Le bistrot parisien est une bête curieuse : il a généralement rejeté ses origines de débit d’alcool centré autour du comptoir et de ses habitués, où le patron servait « aussi » un plat du jour et des assiettes de charcuterie pour accompagner le pinard, et se centre désormais sur une promesse de bons petits plats gourmands, offerts aux clients en toute décontraction, par la grâce, si possible, d’un adjoint d’un chef d’une grande maison ayant repris sa liberté.
Certains tics y sont obligatoires, dont, notamment, les tables en bois collées les unes aux autres, et bien sûr, les fameux emplacements pour bizuths ou touristes trop naifs : la spéciale dame pipi en face des toilettes, l’auxiliaire de caisse le long du comptoir, le goûteur près la cuisine pour profiter du tintamarre des couverts à trier et des hurlements du chef, et le portier, collé à la porte d’entrée, faisant écran pratique entre l’air glacé de l’hiver et la salle.
Autres tics : la carte sur une ardoise, trimballée de table en table pour les vrais puristes, les réclames anciennes pour alcool punaisées sur murs jaunis, les objets chinés et retapés (une vieille horloge, un arrêt de bus, des plaques de rues), un vrai vieux zinc remonté, mais aussi l’accueil décontracté, le service un peu pressé, autant de signes subliminaux que ces économies vont profiter au client car l’essentiel est dans l’assiette et cet esprit sans chichis.
Certaines maisons se sortent brillamment de cet irritant exercice de style, et le Troquet, visité hier soir, en fait partie. Pourtant en entrant, un premier coup d’œil dans la salle à moitié occupée par des touristes japonais (il était tôt il est vrai) laissait perplexe. Mais l’amabilité de l’accueil, tout en restant ultra efficace, et surtout la qualité des plats l’ont emporté haut la main sur les préventions initiales:
Une petite planche de saucisson, boudin noir et saucisse piquante prise avec l’apéritif qui sentait bon la charcuterie traditionnelle fermière, onctueuse et forte. Des entrées intéressantes (salade de céleri rémoulade aux ailerons de poulet et tranche de porc grillée, saumon mariné avec guacamole, topinambours et cake aux olives), mais surtout des poissons très réussis : une cocotte de lieu jaune aux palourdes aux herbes, et un dos de merlu au four croustillant sur caviar d’aubergine et poivrons : textures très agréables, points de cuisson juste, alliance de saveurs… En dessert, que du bon traditionnel avec un crumble (en verrine certes) et un fondant au chocolat glace vanille.
En partant, la salle était comble d’un deuxième service d’habitués….
On peut donc être bistrotier, gentiment mode en présentant certaines entrées en alignement de tapas sur ardoise ou des desserts en verrine, être gentiment touristique en permettant à des japonais de profiter de Paris, et faire passer une superbe soirée à tout le monde.
Addition: 50€ par personne (menu entrée-plat-dessert à 32€)
Le Troquet
21, rue François Bonvin
Paris 15ème
01 45 66 89 00
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