lundi 28 septembre 2009

La Cagouille: Le bon poisson de province

Les torrents d'injures déversés sur les adresses bobovores soulignent que les amateurs de bonne bouffe sont avant tout de grands conservateurs. Loin de rechercher le frisson de cuisines étrangères ou pire, la haute voltige de plats fusions, ils recherchent avant tout du terroir, de la tradition intacte, de l'authenticité qui rassure.

A la Cagouille, que nous avons visité cet été, tout est fait pour satisfaire ces amateurs, surtout ceux à la recherche d'un bon restaurant de poisson bien d'cheux nous. Le cadre est surprenant en plein Paris: une petite place perdue derrière la gare Montparnasse, au calme, un endroit qui pourrait exister ici et ailleurs, dans n'importe quelle ville de France, si propret dans son alignement d'immeubles résidentiels modernes, de balcons aux VTT du dimanche sagement rangés à côté de chaises et tables en plastique prêtes à être déployées pour les pierrades entre amis dès qu'il fait beau.

Le restaurant dispose d'une denrée rare à Paris, et qui accentue l'impression de dîner en province: l'espace. Une grande terrasse confortable séparée de la place par des plantes. Une vaste salle aux éclairages un peu trop puissants, des tables, miracle, éloignées les unes des autres. En guise de décoration, des noeuds marins cloués aux fausses poutres. Le service est très aimable, et plein de petites attentions: un jus de tomate offert à madame qui ne voulait pas d'apéritif alcoolisé, des petites coques poêlées au beurre pour la mise en bouche. La carte, courte, est complétée de nombreuses propositions du jour crayonnées sur un tableau: des plats simples, familiaux, et qui ne déçoivent pas, misant tout sur la fraîcheur impeccable des produits. Nous avons pu ainsi profiter de céteaux à la poêle, de calamars frits à l'ail et oignon, puis d'un maquereau sauce moutarde et de rougets barbets frits. Les desserts (une tarte aux mirabelle et une triste assiette de fraises des bois) étaient par contre clairement à oublier, et il fallait un effort pour dénicher dans la carte des vins une bouteille à moins de 30 euros.

Un dîner à la Cagouille, c'est finalement un petit aller-retour à peu de frais dans une France rêvée: celle des beaux produits, des plats traditionnels, d'un service qui prend le temps, mais aussi de clients notables, pansus et satisfaits, amateurs de cigares et de bons mots. En quittant le restaurant, nous avons croisé Jean-François Coppé attablé en terrasse, puis dépassé sa Safrane noire garée devant le restaurant, moteur en marche, son chauffeur lisant et relisant, visiblement au bord de l'endormissement, quelques pages d'un Figaro froissé...



Addition: 50 euros par personne environ

La Cagouille
10, place Constantin Brancusi
Paris 14ème
01 42 22 09 01

www.la-cagouille.fr

jeudi 24 septembre 2009

Quand le Figaroscope ouvre la chasse aux bobos

La période n'étant pas propice à la rédaction de longs textes, je reprends, dans ma paresse, un article du Figaroscope du début de l'année consacré aux bobovores...

Le billet est vif et joliment tourné, personnellement, j'adore.

Mais comme souvent dans le Figaro, l'essentiel du spectacle est ailleurs: prenons donc le temps de parcourir les commentaires, comme on se délectait du courrier des lecteurs d'un Fig Mag froissé dans la torpeur d'une salle d'attente chez son dentiste.

Que retenir? Le "bobo", même à table, reste une cible d'autant plus parfaite que totalement fantasmée. On a donc droit à un récital de grands classiques, la dénonciation de la gauche caviar (z'ont qu'à donner leur fric aux restos du coeur au lieu de se goinfrer s'ils sont vraiment de gauche), le chant de la résistance contre les empêcheurs de jouir en rond (non à l'oppression du bio et des régimes), l'anti-élitisme, notamment celui, honni, du parisien cosmopolite, autant de jérémiades dessinant en creux l'image nostalgique de la vraie France au resto: des bonnes assiettes du terroir bien pansues à prix modique dans une auberge de campagne, une brasserie début du siècle, toute en dorures et serveurs en veston, pour les déjeuners de famille dominicaux, un pays où les traditions seraient respectées.

Reste à voir comment réagiraient nos commentateurs si d'aventure le Figaroscope décidait, dans un improbable mouvement d'humeur, de se tirer une balle dans le pied en dénonçant les adresses surfaites et vaniteuses du triangle d'or parisien...

dimanche 13 septembre 2009

Meiji: Le Japon s'ouvre à l'occident

Certains sont à la recherche d'authenticité quand ils vont manger japonais, sensibles à l'accueil et aux petites touches d'attention généralement prodigués dans les vrais établissements nippons. Ceux là se dirigent naturellement vers le «nipponland» entre Opéra et Palais Royal, ses nombreuses échoppes à ramen, à udon, ses épiceries, ses petits restaurants sans prétention. D'autres cherchent plus d'épate, de brillant, et se dirigent évidemment vers l'épicentre du bling bling, les Champs Elysées. De nombreux restaurants japonais se sont établis dans le 8ème arrondissement pour capter la clientèle d'affaires et les touristes opulents venus faire leurs courses rue François 1er ou avenue Montaigne.

Meiji est un de ces restaurants et jouit d'une bonne réputation. Une discrète entrée rue Marboeuf donne sur une petite cour intérieure dont un coin a été transformé en fort joli jardin japonais de poche, pierres moussues et petit cours d'eau inclus. L'établissement est au fond de la cour, avec une salle à gauche ouvrant sur le jardin, généralement prise d'assaut, un long comptoir de service permettant de voir les cuisiniers à l'oeuvre, notamment celui chargé des brochettes, les yakitori, et une succession de salles tout en longueur sur la droite. L'ensemble est de bon goût, discrètement moderne, sombre à souhait, les tables un peu serrées peut-être.

La carte est très variée et authentique: un choix très vaste en matière de sushis, sashimis et makis, beaucoup de petits plats cuisinés, et surtout, une longue liste de yakitoris, ces brochettes grillées au feu de bois si galvaudées ailleurs. Evidemment, pas de boeuf au fromage, hérésie destinée aux centaines de faux japonais qui colonisent la capitale, mais des possibilités rarement trouvées ailleurs: brochettes de peau de poulet grillé ou de cartilage... passées sur un vrai charbon de bois et bien assaisonnées...

L'ensemble forme donc un très bon restaurant. Mais un vague doute subsiste, et perdure après plusieurs visites. Pourtant tout est parfaitement conçu, les plats sont bons, les prix contrôlés, le mobilier épuré, l'ambiance confortable, les lumières tamisées, le jardin est zen... Et puis on comprend: on voit peu, très peu de clients japonais. D'ailleurs, le service n'est pas assuré par des japonais, mais par de jeunes français chics et blasés, au style si couru dans le triangle d'or parisien. Notre Meiji s'est donc bien ouvert à l'occident, et a abandonné dans l'histoire le fond pour la forme: derrière une carte et une cuisine irréprochables, l'amabilité, la douceur et la gentillesse si typiques du service japonais ont disparu pour laisser place à la froide efficacité d'un traitement campo-élyséen.

Addition: environ 60€ par personne

Meiji
24, rue Marboeuf
Paris 8ème
01 45 62 30 14
http://www.restaurant-meiji.fr