dimanche 30 août 2009

Zen: Le juste milieu

Le nippophile éclairé sait désormais éviter les faux japonais, leurs menus standards (serviette javellisée-petite salade-sushis-brochettes-soupe miso-faux saké), leurs noms de cour d'école (samourai, banzai, tokyo), leurs néons, mais se retrouve souvent face à un dilemme: soit aller rue Saint Anne dans une échoppe à ramen ou à udon, faire la queue une demi heure sur le trottoir étroit, avaler une authentique et superbe soupe de nouilles pour se retrouver dehors dix minutes plus tard, soit réserver une table dans un restaurant de cuisine kaiseki, dîner superbement mais se retrouver délesté d'une bonne centaine d'euros à la fin du repas.

Heureusement, il existe des adresses familiales où l'on peut manger un vrai repas japonais pour un prix raisonnable, et Zen est certainement un des meilleurs dans cette catégorie. Le restaurant, bien sûr situé dans le « nipponland » entre l'avenue de l'Opéra et Palais Royal, est résolument moderne, pimpant, à l'image de ses murs blanc et vert acidulé, ou de ses serveurs, de jeunes japonais sympathiques. Mais l'émotion s'empare du client à la lecture de la carte, véritable trésor sans fin: du snacking (de délicieuses et gigantesques soupes de ramen au bouillon plus onctueux et plus puissant qu'ailleurs, des riz au curry) aux petits plats (algues, salades, légumes vinaigrés, sushis, sashimis, poissons grillés, poulet frit à la japonaise, steaks) permettant de composer un repas complet, avec quelques perles comme un sashimi de maquereau mariné, une salade de navet aux feuilles de shiso, des aubergines sautées marinées au miso. Les amateurs d' »unagi » (l'anguille grillée) sont également servis, et nous avons cru voir la dernière fois une proposition de « nabe » (le pot au feu japonais). Comme si cela ne suffisait pas, il existe également une dizaine de propositions du jour alléchantes et inventives, et le restaurant est ouvert même le dimanche soir... Les clients, en majorité japonais, sont là pour témoigner du succès mérité de la formule. Il ne tient qu'à vous de vous glisser parmi les amateurs parisiens éclairés...

Addition: entre 20€ (en cas de snack) et 50€ (pour un repas complet)

Zen
8, rue de l'Echelle
Paris 1er
01 42 61 93 99

mercredi 19 août 2009

Chez Michel: Le phare breton

Nous avons continué ce printemps notre tournée des bistrots installés de la capitale. Et Chez Michel est une case indispensable à cocher dans tout carnet qui se respecte. Par hasard, nous connaissions le restaurant depuis bien longtemps, il y a sept ou huit ans au moins, quand nous n’avions jamais entendu parler de bistronomie, ni de Camdeborde, ni de ses amis, ses disciples, ou ses nombreux imitateurs.

Chez Michel est un classique, acclamé de toute part. Du sérieux, de la référence. Selon les connaisseurs, un grand spécialiste de gibiers en saison, ce qui n’est pas forcément notre tasse de thé. Nous pensions plutôt à l’époque à un restaurant breton. Qu’importe, l’essentiel est dans l’assiette, dans ces retrouvailles, armés de notre connaissance fraîchement acquise d’autres bistrots gastronomiques.

L’endroit n’a pas changé. Installé à l’angle de la rue de Belzunce, la vue sur l’imposant derrière gris de l’église Saint Vincent de Paul, le restaurant est au calme : on a peine à croire que les files de voitures klaxonnantes du boulevard de Magenta sont à deux pas. Le succès est au rendez vous, puisque le bistrot se permet le luxe de fermer samedi et dimanche. La salle est petite, agréablement disposée en cercle autour d’un bar servant plutôt de desserte, deux côtés ouverts sur la rue, murs beiges salis, poutres en bois. L’accueil est efficace, rapide, mais reste sympathique : tout est donc en place pour replonger dans l’ardoise du menu.

Nous sommes vites rassurés : si le choix est plutôt restreint, dans des plats aux ingrédients modestes si l’on évite la tentation des plats avec suppléments, tout est maîtrisé et savoureux : des sardines marinées dans un bocal de verre, une tranche de pâté d’oreille et une salade verte avec ses grands brins d’aneth frais, des classiques de la maison comme le kig ar farz, le pot au feu de cochon breton dans sa cocotte en fonte. Pour finir, un beau plateau de fromages et sa gelée de cidre, ou les redoutables Paris Brest ou kouign aman, plâtrant les estomacs les plus affamés. Le tout est accompagné d’une grande carte des vins et la possibilité de prendre la plupart des bouteilles au compteur.

Que reprocher à Michel ? D’avoir la main très lourde sur les suppléments : certes il s’agit souvent produits de rares ou de prestige (truffes, coucou de Rennes, salade de homard, canard au sang, gibier en saison), mais les plus huit, douze, voire vingt euros et au delà volent bien trop facilement, y compris pour une malheureuse coupelle de gariguettes, quand d'autres, tout aussi bons, font l'effort de bien plus se contrôler. De céder aux tics bistrotiers de rigueur : le couple de touristes japonais systématiquement placé sur une table indéfendable (ici, littéralement collée à la porte des toilettes), le traquenard de la cave, à éviter absolument si l’on est en couple, où les clients sont parqués à huit sur les bancs d’une table commune prévue pour six.

En résumé, les défauts sont irritants mais classiques. En évitant ces écueils, reste une excellente adresse, tenant solidement son rang dans le panorama parisien.

Addition: 50€ par personne en évitant les suppléments (menu entrée plat dessert à 32€)

Chez Michel
10, rue de Belzunce
Paris 10ème
01 44 53 06 20

mardi 18 août 2009

Samiin, c'est fini

L'été meurtrier semble avoir frappé Samiin- il est vrai que même un vendredi ou samedi soir, dans cette avenue de Breteuil complètement morte, le restaurant faisait à grand peine trois ou quatre tablées.

Nous y sommes retournés il y a dix jours, pour tomber dans un traquenard: même numéro de téléphone, même nom, même décor, cependant, comme dans les films d'horreur, un subtil changement inquiète, inconsciemment, un peu : des bonbons dans des petites coupelles en verre sur chaque table, laids, incongrus.

Nouveauté pensions-nous? La lecture de la carte est un coup de poignard: au lieu de délicatesses introuvables ailleurs comme le bosaam, la soupe coréenne aux racines médicinales, ces nouilles froides uniquement disponibles en été, nous lisons, incrédule: des nems (?), des dims-sums (??), du poulet à la citronnelle (???). Seul plat coréen à survivre au naufrage: le bibimpap. Les serveuses avaient changé: questionnées, elles bafouillent une explication comme quoi le cuistot coréen est parti cet été donc ils font avec un autre cuisinier...

Nous sommes partis sans plus attendre, tristes. Peut être s'agissait-il d'un cauchemard, d'une sous-location d'été, et que tout reviendra comme avant, en septembre. Peut-être...

mercredi 5 août 2009

Mme Shawn: Esprit canal, sors de là!

Certains dimanches soirs, l'apéro achevé, on hésite à faire du chemin pour aller dîner et, dans une logique territoriale rassurante, on se rabat sur les restaurants disponibles dans le coin. Ce soir là nous étions canal saint martin, il faisait encore beau et clair, et les rebords en pierre humide du canal étaient couverts de badauds affalés, accoudés, en tailleur, chaussures enlevées, profitant des rayons bas du soleil, partageant biscuits apéritifs amenés dans un sac en plastique froissé, se passant tour à tour bouteilles de rosé tiède et cigarettes, sous les regards blasés d'un lent flot continu de promeneurs: cyclistes casqués ou débutants en rollers fendant les grappes plus lourdes de jeunes couples à poussettes, ou de familles trainant des mômes revêches accrochés à leurs trottinettes.

Nous sommes allés en face, rue de Lancry, pour trouver, en lieu et place d'un bistrot très agréable il y a quelques années, un restaurant Thai: Mme Shawn. Disons-le tout net: le lieu est un concentré de ce qui peut déplaire. Déjà le sous-titre «thai cuisine», à la typographie soigneusement polie par une agence de com', annonce la couleur: pas de Thailande ici, mais un idéal londonien de minimalisme exotique contemporain, serveurs uniformément mode, clients puants et vigiles à oreillette inclus. La décoration est à l'avenant, concentré de tics horripilants, qu'on soupçonne déjà caducs tant ils sont conçus pour coller à l'air du temps. Et notre esprit se perd en conjectures: l'énorme boule à poils métalliques rose en guise de plafonnier a t-elle une signification particulière? Serait-ce un symbole paix ? Un litchi géant bienveillant? Un rebut d'Habitat triplement soldé? Pourquoi des murs d'anciens bistrots repeints en gris béton? Pour nous imposer une ambiance « de la night », idéale pour jeter un voile pudique sur le contenu des plats? Pour faire ressortir les dorures des éléphants et la lumière vacillante des bougies, facilitant les rapprochements intimes? Mme Shawn, ou l'épate facile à grandes cuillerées de phad thai, dernière station avant une sauvage étreinte au curry?

On comprend mieux pourquoi la cuisine n'est pas le point fort du lieu: des plats corrects, mais dans une variante bien trop sage, rappelant de la cuisine d'aéroport. Une carte déséquilibrée mettant l'accent sur les « plats-repas » individuels: bo-buns, riz sautés, nouilles sautées, accentuant la désagréable impression d'un snack. Un seule proposition de légumes (un chop suey indéfini, bien sûr, permettant de jeter dans un wok n'importe quel mélange de légumes surgelés déstocké chez Métro), rendant impossible la composition d'un repas où l'on partage plusieurs plats.

Allez Mme Shawn, on ne peut pas tout vous reprocher: au moins vous n'avez pas l'indécence de faire payer cher les plats, et le restaurant ne dépareille pas le long de cette rive ouest du canal: entre les vieux beaux attablés en terrasse chez Prune, dînant d'une assiette de tacos au guacamole, et le service exécrable de La Marine, votre bistrot, copie toc de Thai londonien égarée dans un terminal de Heathrow, n'est pas forcément le plus vilain de la bande.

Addition: 30€ par personne

Mme Shawn
56, rue de Lancry
Paris 10ème
01 42 38 07 37