jeudi 21 octobre 2010

La Véranda: le Gordon Ramsay Jeans

A l’occasion d’un week-end nous sommes allés humer l’air de Versailles, de ses cours arborés rectilignes, spacieux, ses immeubles du XVIIIème si élégants, droits et austères, d’une ville qui, bien que la carte nous enseigne qu’elle est aux portes de Paris, pourrait tout aussi bien avoir été téléportée à des centaines de kilomètres, dans un ailleurs, une France rêvée d’un autre temps, où entre parents en barbour, triplés blondinets en cyrillus, la décence et les bonnes mœurs règneraient encore.

Nous avons dîné à la Véranda, bistrot signé par Gordon Ramsay, installé juste à côté de son illustre et étoilé éponyme, dans les magnifiques galleries du Trianon palace. La salle en impose, plafonds sculptés culminant cinq ou six mètres au dessus de nos têtes, dans une salle aux grandes baies vitrées ouvertes sur le parc du château de Versailles, où paissent bucoliquement des dizaines de moutons. La décoration est récente et dans le ton qu’il faut, superposant le velours gris perle des sofas, la vaiselle blanche contemporaine, aux ors et moulures des murs, pour un effet très déco-magazine. Le contenu des assiettes est fort agréable: tartare de dorade sur crème légère de guacamole avec mousse de wasabi, poîtrine grillée de cochon fondante aux bords croustillantes, carré d’agneau parfaitement rôti et ses aubergines. Le tout sent la bonne technique et l’impeccable professionnalisme.

Que reprocher à La Véranda ? D’avoir peut-être un peu trop l’esprit aux affaires. Lorsque des grands couturiers descendent en gamme et siglent du jean ou de la basket, on peut rarement leur reprocher de mal habiller leurs clients. Mais tout cela sent trop le plan marketing froidement conçu et parfaitement déployé. La Véranda témoigne de la même maîtrise, étalant la plus fine couche de tartare possible sur un épais tapis de guacamole, ou découpant au plus juste la tranche de poitrine de cochon. Donc bravo aux hommes d’affaires, vive les business plan, mais en clap de fin, on se prend parfois à rêver qu’un peu plus de générosité et de passion viennent troubler la perfection des ors dans ces palais.

Addition : 80 à 100 euros par personne

La Véranda
1, boulevard de la Reine
Versailles
01 30 84 55 55

dimanche 17 octobre 2010

Le Cotte Rôti II: et le soir c'est tout aussi bon

Nous sommes enfin retournés au Cotte Rôti à l’occasion d’un dîner planifié au millimètre pour l’anniversaire surprise d’une amie. Dans le fracas des retrouvailles, le brouhaha d’une salle comble, le tintement des coupettes de côtes du rhône vite vidées, la soirée est passée à une vitesse stupéfiante, comme en accéléré.

Restent quelques images, une fois dehors, l’air frais nocturne dégrisant les esprits tandis qu’on remonte lentement la rue pour chercher son vélo batave : une jolie salle fraîchement redécorée, passée du rouge et noir à la pierre apparente, au métal, aux tons grisés. Un service haut en couleur, certes débordé lorsque la salle était comble, mais gardant bonne humeur et sens de la répartie. Des bouteilles à prix étonnamment raisonnable, 25 euros pour 75cl de bons jus devenant une denrée rare à Paris. Des plats goûteux, du pressé au foie gras onctueux, bien relevé, de la chair d’araignée en nems éclatante, pimpante, un agneau de sept heures fondant et croustillant, avec comme seul bémol des quantités un peu trop ajustées. Le sentiment joyeux, finalement, de tenir là une solide adresse sur laquelle on peut compter.

Voir l'ancien billet sur le Cotte Rôti ici

Addition: 50 euros par personne (menu entrée-plat-dessert à 34 euros)

Le Cotte Rôti
1, rue de Cotte
Paris 12ème
01 43 45 06 37

samedi 9 octobre 2010

Likafo: la corne d'abondance cantonnaise

Si vous êtes à la recherche de vrais restaurants chinois à Paris, Likafo, déniché après une séance sur internet croisant des recommandations sur un forum de voyageurs en mal d'Asie, et une vieille liste d'adresses postée par un expatrié taiwanais, ne semble pas une mauvaise option: on y redécouvre le charme de l'accueil cantonnais, expéditif et maussade. La petite salle nue, sans aucune décoration superflue sous la lumière crue rappelle bien les cantines de Chine. La carte est irréprochablement authentique, comme chez Sinorama, notre référence. Mais ce qui doit tant rappeler le pays aux nombreuses tablées de clients chinois, ce sont les proportions littéralement gargantuesques des plats.

Dans de nombreux restaurants là-bas on a le choix entre une « grande » et « petite » version. Likafo a décidé de miser sur du lourd, et, en commandant un simple plat de poulet à la vapeur nous nous sommes retrouvés devant pas loin d'un kilo du volatile coupé en tronçons. Les autres plats étant à l'avenant, nous avons vite crié grâce et demandé qu'on nous mette la moitié de notre sélection dans des barquettes d'aluminium, avant de repartir d'un pas lent, le souffle court.

Cela n'a pas semblé gêner les autres clients, chinois ou étudiants au courant du bon plan, tous occupés à attaquer les plats, baguettes levées et bol de riz brûlant bien en main.

Addition: moins de 30 euros et plus de 2,5 kilos de nourriture par personne

Likafo
39, avenue de Choisy
Paris 13ème
01 45 84 20

dimanche 3 octobre 2010

Sardegna a Tavola: pour le reste, il y a Mastercard

Voilà un habile restaurateur sarde qui s'empare d'excellents produits (couteaux, langoustines, bar, ventrèche de thon, homard, poutargue, charcuterie goûteuse), concocte un menu alléchant plein de généreuses propositions inconnues (raviolis à la pomme de terre et au fromage de chèvre cousus main, cassolette de fruits de mer au graines de blé dur, salade de poulpe et ses fines lamelles de fenouil cru, poutargue sarde grillée), l'arrose d'une carte de vins dont on a tout à apprendre, enveloppe le tout dans un cadre bucolique et rustique (conserves et bouteilles alignées aux murs, jambons séchant au plafond), le remplit d'habitués cossus semblant tous le connaître personnellement, pose l'ensemble en face du marché d'Aligre, ce paradis pour amateurs de bonne chère, et finit par pratiquer des prix venus d'une autre galaxie, gravitant audacieusement à quelques encablures des relais et châteaux et des premiers étoilés michelin.

Etes vous des jouisseurs que rien n'étonne, qui ne font jamais leurs comptes, et recherchent avant tout et à n'importe quel prix le plaisir d'avoir superbement dîné? Ou appartenez vous au groupe des inquiets justiciers, qu'un soupçon de marge abusive révolte, se préoccupant surtout de trouver le bon rapport qualité-quantité-prix? Nous avouons faire plutôt partie de la première catégorie et retournerons sans ciller à Sardegna a Tavola découvrir d'autres spécialités sardes (on nous parle de cochon de lait rôti...)

Malgré tout, un doute demeure: étonnant comme tant de bons restaurants italiens à Paris semblent prendre un malin plaisir à nous diviser, à nous narguer, à nous pousser à l'extrême limite sur cette question fondamentale. Pourquoi ont-ils décidé que dans la vie il fallait avoir deux visages? celui pour les habitués, les connaisseurs, à accueillir chaleureusement pour communier autour des bons produits du terroir, et celui pour le tout-venant, à traiter avec désinvolture, pour qu'il peste avec agacement contre les prix déraisonnables?

Addition: 80 euros par personne

Sardegna a Tavola
1, rue Cotte
Paris 12ème
01 44 75 03 28