dimanche 26 septembre 2010

Le Réveil du Xème: des racines et du pâté

C'est un ami venu de loin, de la côte pacifique du Canada, qui, lorsque nous avons voulu choisir le restaurant de nos retrouvailles, a dédaigné nos propositions de bistrots gastros, pour nous réclamer, par pitié, « des bactéries ».

Son long séjour dans un milieu anglo-saxon où fourmillent les propositions calibrées, parfaites à gifler tant elles alignent d'impeccables poncifs, gastronomie méditerranéo-macrobiotique, décors contemporains tirés de wallpaper, cuisine apparente, vins du monde en ballons de dégustation et serveurs méticuleusement décoiffés, l'avait ramené à un stade bien plus primaire, un besoin guttural de renifler, frotter, mastiquer, pourlécher du bon produit en terrain connu: du saucisson raide et desséché, musqué et piquant, des tranches épaisses de pâté humide, terreux, friable, des fromages au lait cru ratatinés, dont la croûte brunie et durcie cède sur une chair dorée, onctueuse et puissamment odorante.

Alors nous avons évité les adresses trop pointues, celles où l'on va parce que tel jeune chef, où l'on débat de l'origine des produits, on dissèque les tours de main, on jauge les présentations, on critique et compare pour mieux se féliciter de la pertinence de ses jugements croisés, nous avons marché tranquillement le long de la rue du château d'eau à la tombée de la nuit, dans l'air frais et humide, et sommes entrés dans un petit établissement faisant le coin avec le marché Saint Martin, un lieu ressemblant à n'importe quel café parisien, le Réveil du Xème.

Le Réveil du Xème nous a accueilli comme il se doit, dans son décor en formica figé depuis des décennies, serveuse efficace et gouailleuse en plein coup de feu, clientèle nombreuse, tordant le cou pour lire les ardoises placardées aux murs, et commandant fillettes de saint pourçain ou de beaujolais, accompagnées de planches de charcuterie ou de vieille fourme et de saint nectaire affiné.

Non, personne n'a l'idée malsaine d'aller au Réveil pour faire le beau. On y va, modeste, pour profiter de vrais produits auvergnats, préparés au plus simple, sans concession aucune à l'air du temps qui impose que les plats s'allègent, que les haricots verts remplacent les frites, et que les sauces soient servies à part. Cela commence par de la terrine de sanglier, du foie gras, du cou farci, ou du pâté de tête, avant d'attaquer le choux farci, l'onglet-échalotes, le confit, l'entrecôte, le tripoux. Le tout à des prix extrêmement raisonnables.

Alors les rondes de côtes du Rhône se sont succédées, l'ambiance de nos petit groupe s'est animée et avinée, et quand nous sommes ressortis, estomac sous tension et esprit joyeux, j'ai compris à un petit soupir de satisfaction que notre ami avait enfin retrouvé ce qu'il était venu chercher.

Addition: 30 à 40 euros par personne

Le Réveil du Xème
35, rue du château d'eau
Paris 10ème
01 42 41 77 59

4 commentaires:

  1. Guillaume26/9/10

    Très juste ; il manque simplement le mot de la fin : burp.

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  2. Oui et ce petit marqueur de satisfaction et de plénitude n'est absolument pas honteux en Asie... Il n'y a que l'Europe bourgeoise qui réprime ces manifestations naturelles

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  3. l'europe chrétienne, en fait, et son refus du corps (le péché de gourmandise, comme par hasard...)

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  4. Oui donnons un nouveau sens au cri de "vive le vent, vive le vent...."

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