samedi 18 février 2012

Bon Kushikatsu: de la fine friture

C'était il y a quelques mois: on part chercher du pain et des croissants en famille, on remonte le boulevard Richard Lenoir pour qu'une petite fille fasse gicler les flaques d'eau sale à grands coups de bottes rouges, on bifurque par la rue Jean-Pierre Timbaut, et on tombe sur une nouvelle devanture mystérieuse: noire, lisse, unie, parfaite. Japonaise certainement. Le panneau marque "Bon Kushikatsu" et sent bon le très haut niveau, loin au dessus de la gargotte à sushis plantée partout par d'industrieux Chinois.

Depuis hier soir, nous confirmons: Bon Kushikatsu plane bien dans un monde à part, séparé même du reste de la galaxie japonaise, car spécialisé dans une technique: la friture de petite bouchées panées enfilées sur des piques en bois. C'est certes moins vendeur que le diététique sushi, et pourtant... Par ce même miracle qui fait qu'un beignet luisant de graisse se transmute en tempura d'une délicatesse aérienne, la cuisine nippone transforme la bonne vieille friture en exercice tout en maintien.

Dans une salle allongée contemporaine, murs en bois brut et en béton, tables claires, un immense bar s'étire.  Postés sur des chaises hautes confortables, quelques clients, la plupart japonais, profitent des fritures du chef. On s'installe à une table au fond, manquant le spectacle de la cuisine, mais déjà une certitude: les postillons d'huile brûlante, l'odeur rance tenace de graisse brûlée passeront leur tour. Place à la clarté immaculée, au calme enveloppant.

Le menu unique, pas de carte ici, est une succession de 15 bouchées délicatement panées et frites, à tremper dans différentes sauces, selon les indications de la serveuse: citron et sel pour des raviolis de seiches ou une gambas, soja pour un délicieux champignon shitake, replet et fondant, moutarde pour du filet de boeuf, soja pour un beignet de taro, ou d'oignon. On accompagne d'une petite salade, on fait une pause avec un petit bol de nouilles au thé vert froides, puis on achève par du riz sauté et une soupe miso, avant de déguter le dessert, une glace à la vanille panée et frite...

Tout est délicat et fin, les portions pas considérables mais un bon appétit se rattrapera en commandant plus de brochettes ou en réclamant un rab de riz sauté. Un regret: le mode de cuisson ne semble pas mettre en valeur certaines textures, ainsi du turbot dont la chair, émiettée et un peu fade, se rapprochait d'un vulgaire nugget de poisson pané. Mais dans l'ensemble, nous avons passé un joli moment chez Bon, apaisés, transition idéale pour oublier une semaine de travail et commencer le week-end.

Addition: menu à 58€, vins à partir de 30€

Bon Kushikatsu
24, rue Jean Pierre Timbaud
Paris 11ème
Téléphone: 01 43 38 82 27

Liens:
Et Toque! en parle aussi, et bien sûr Le Fooding

dimanche 13 février 2011

Aida: le teppanyaki ne connaît pas la crise

Nous n'y sommes pas allés il y a si longtemps mais mes souvenirs sont déjà vagues, comme les premières minutes de réveil estompent les rêves. Quelle soirée avons nous donc passé à Aida? Je revois une façade si simple aux lattis nippons impeccablement blancs et noirs, posée, improbable, dans une rue calme et sévère au sud du Bon Marché. Une jolie petite salle, à peine vingt places, la plupart situées au comptoir pour admirer la cuisine du maître, plus quelques tables en retrait, où nous avons été assis.

Il y a eu une belle succession de petits plats venant ponctuer notre discussion et nos verres de Chablis, mais lesquels? Une mise en bouche, certainement. Un chawan-mushi, un flanc d'oeuf, au bouillon si fin et délicat, à peine un trait d'arômes marins, qu'il en était presque fade. Une coupelle de sashimi de veau de lait, fondant, beurré, exquis. Un joli sushi de poisson bleu, dodu, passé à la flamme, agréable ce léger croquant du riz grillé. Du homard grillé parfaitement saisi, naturel. Du boeuf du limousin grillé. D'autres assiettes encore, dont je ne me souviens plus, toujours apportées dans une extrême discrétion.

Puis l'addition est venue. La soirée était délicate et réussie, le chef était certes un grand maître du teppanyaki, Aida avait obtenu une étoile au Michelin paraît-il, mais à 160 euros le menu, les prix étaient tout simplement déraisonnables, sans prise avec la réalité. Aida vivait toujours dans un rêve, celui du Japon d'avant la stagnation des années 1990, quand les hommes d'affaires faisaient des concours croisés de notes de frais astronomiques dans un pays plongé en pleine bulle financière.

Nous avions donc payé pour voyager un instant dans ces souvenirs d'un monde disparu. Nous étions parmi les derniers dans la salle, attendant notre monnaie, à l'exception d'un couple d'occidentaux assis au comptoir. Le quadragénaire bombait du torse et parlait fort, comme pour être entendu de tous, prenant le chef à témoin de ses saillies sexistes, faisant la roue devant sa longiligne compagne plus jeune d'une quinzaine d'années.

Addition: 200 euros par personne environ (menu dégustation à 160 euros)

Aida
1, rue Pierre Leroux
Paris 7ème
01 43 06 14 18

dimanche 6 février 2011

Le Verre volé: l'amour des bons produits

Voilà une adresse dont l'habillage est tellement juste, séduisant, dans le ton, qu'il en paraîtrait irritant: un emplacement au coeur de l'action, au croisement de la rue de Lancry et du canal Saint-Martin, un concept prêt à être repris en choeur par tous les magazines et guides, celui de la « cave à manger », où l'on achète sa bouteille (peu ou prou) à prix caviste, et l'on la descend, goguenard, avec des petits plats ménagers, un espace minuscule, à peine dix tables, synonyme de rareté, un nom sur lequel cancaner, attention il s'agirait de la femme d'Inaki, mais oui, l'Inaki du Chateaubriand, et ce sont les petits plats qu'il préfère lorsqu'il rentre, épuisé, de ses fourneaux gastronomiques... et bien sûr le succès et la clientèle qui va avec, trentenaires de l'est parisien minutieusement décoiffés, un poil barbus, le macbook pro bien glissé dans la sacoche.

Et pourtant le Verre Volé fait abstraction de tout ce cirque pour taper juste, là où il faut: coincés sur une table dans la salle miniature à l'arrière, notre regard parcours l'ardoise murale et est pris de vertige face à tant d'entrées alléchantes: des aiguillettes de boeuf mi-cuit aux anchois, du groin de cochon en salade, des sardines marinées, des saint-jacques, des assiettes de charcuterie ou de fromage, des oursins, que sais-je d'autre. Les plats principaux contrastent par leur simplicité: c'est andouillette ou boudin noir, complété par un ou deux plats du jour, en cette occasion un superbe morceau de bar aux navets, ou une côte de veau poêlée.

Et la promesse est plus que tenue: tout est plein de saveurs, copieux, puissant, les assiettes accompagnent magnifiquement la belle bouteille de Haute-Côtes de Nuits conseillée par le serveur-caviste. L'esprit nous rappelle finalement ces restaurants à Madrid qui servent dans une petite salle adjacente au bar leur meilleurs tapas en plats principaux: de la cuisine simple, mettant en valeur d'excellents ingrédients, en toute décontraction. On sent qu'au Verre Volé, l'amour des bonnes bouteilles s'est étendu aux marmites, pour notre plus grand bonheur.

Addition: 40 à 50 euros par personne

Le Verre Volé
67, rue de Lancry
Paris 10ème
01 48 03 17 34

dimanche 16 janvier 2011

Le Chateaubriand: hé bien oui, c'est brillant

Le Chateaubriand n'est pas un nom anodin. Au delà de l'établissement bistrotier sis au sud de Belleville, ce nom, à peine prononcé, est un surpuissant concentré des débats qui agitent les gourmands parisiens depuis quelques années. Ainsi, on proposerait de la cuisine gastronomique en s'encanaillant dans un bistrot tout simple de l'est-parisien, sans les flonflons et le décorum de rigueur? Pis, et contrairement aux bistronomes qui ont au moins pour eux leur long apprentissage dans l'ombre de grands chefs, on serait totalement autodidacte? Et Basque espagnol, c'est à dire pas Français? Et on serait mieux classé dans les charts outre-manche que nos illustres maisons michelinées, fierté de notre pays, premier défenseur de ce patrimoine mondial de l'Unesco qu'est la gastronomie française? Pour moi, le label Unesco protégeait des ruines menacées de disparition... alors, le Chateaubriand, symbole d'une nouvelle ère?

Nous étions quasi effrayés de visiter l'objet d'un débat aussi animé. Et puis nous y sommes allés, pour des retrouvailles à deux un soir de semaine avant Noël, quand il fallait encore slalomer entre les amoncellements humides de boue neigeuse avenue Parmentier, le visage picoré par de fins flocons.

Une fois les rideaux de la porte d'entrée franchis, nous avons été accueillis par une belle salle haute de plafond, aux murs jaunis, aux tables en bois sombre occupées par une assistance mixte, une bonne dose d'habitués de l'est parisien, des touristes anglo-saxons plus âgés photographiant leurs plats avec leurs téléphones, une table d'hommes d'affaires en civil, certainement de sortie entre de deux jours de séminaire, une autre de jeunes dandys longilines multipliant les allers-retours pour fumer leurs cigarettes dehors, dans l'air glacé.

Puis le serveur est arrivé, symbolisant à lui seul l'esprit du lieu: l'alliance d'un certain jeunisme et d'une extrême recherche, de la barbe de trois jours, du cheveu décoiffé, du tutoiement facile certes, mais aussi la mise en carafe un brin grandiloquente de notre côte de Beaune, et la présentation vive et passionnée de l'interminable menu unique concocté par le maître de maison.

Un verre de blanc de Touraine primeur légèrement trouble accompagné de petites gougères au pavot a ouvert le bal, puis les assiettes ont succédé aux assiettes: trois mises en bouche, conçues comme un échauffement des papilles: l'acidulé d'un ceviche de bar, la chaleur et les épices d'une petite bouillabaisse, l'onctuosité d'une mousse au gras de jamon iberico sur le léger croquant amer d'un choux de Bruxelles.

Puis est venue l'entrée, un incroyable trait de fraîcheur et de vivacité: des noix de saint jacques à peine cuites, accompagnée de lamelles de radis jaunes et rouge et du zeste de cédrat. L'esprit encore troublé par ce plat, nous avons ensuite enchaîné sur un pavé de lieu jaune aux trompettes de la mort et truffe, dans une sauce pil-pil un poil trop assagie à notre goût, puis de l'agneau à la betterave, quatre petits morceaux de cuisson différentes, posés sur une crème d'un éclatant rose-rouge. En dessert nous avons partagé un assortiment de fromages et une glace au sarrasin et salsifi (je crois) restée incomprise, notre mémoire indisciplinée associant irrémédiablement son goût au smecta.

Au final, à travers ce menu, nous avons découvert un vrai caractère, une facilité étonnante à sublimer chaque aliment pris individuellement, en lui même. Rien d'étonnant à ce que l'on cuise à peine au Chateaubriand, bien au contraire on exprime le goût du produit « cru » en tranchant, en blanchissant, en associant, pour que notre palais serve d'ultime marmite et que chaque goût y laisse une durable impression. Il y a quelque chose des salades thailandaises, associant viande à peine cuite, herbes, zestes de citronelle, dans cette manière de faire.

Ainsi le Chateaubriand, à l'image de ses assiettes, fait coexister quelques tics de style, une belle inventivité et un vrai respect des produits. Pour nous une seule chose importait: à l'issue de notre dîner nous avions rangé dans un coin tout considération gastronomique, ayant surtout la certitude d'avoir passé une superbe soirée à deux.

Addition: 70 euros par personne (menu unique à 50€)

Le Chateaubriand
129, avenue Parmentier
Paris 11ème
01 43 57 45 95

samedi 11 décembre 2010

Una Seï: la boite aux trésors


Actualisation: Una Sei a changé de chef, de nom, et de carte... je n'ai pas essayé le soir les tapas pour accompagner le saké, mais hélas, la formule midi est rentrée dans la banalité.

On parle beaucoup de la rue Saint-Anne, mais dans les rues adjacentes se cachent quelques pépites, comme Una-Sei, un vrai havre de paix et de distinction tranquille posé rue de Richelieu. Ce restaurant et bar à saké, anciennement Issé, a un nouveau chef spécialisé dans l'anguille grillée (d'où son nom) et les tempura. Dans la petite salle aux pierres apparentes, aux vitres ouvertes sur la rue, à l'élégance moderne et discrète si typique des intérieurs japonais, pas de hordes de promeneurs affamés slurpant bruyamment des grands bols de ramen fumants, mais des cadres travaillant dans le quartier en pleine discussion d'affaires, des touristes espagnols aisés certainement drainés par l'article pointu d'un déco-magazine, et des amoureux se donnant rendez vous pour un déjeuner au calme.

Una Sei propose des menus construits autour des tempuras et de l'anguille grillée, avec amuse bouches et sashimi en entrée, mais aussi un délicieux bento, transformant la traditionnelle « lunch-box » japonaise en exercice de maîtrise délicate et raffinée. On déguste ainsi dans deux boites laquées noires superposées une superbe omelette fraîche, des légumes dans un curry doux, du poulet mariné au yuzu, finement pané et grillé, du riz blanc couvert de graines de sésame, tout en humant les arômes purifiants d'un thé vert servi dans un beau bol en céladon écaillé.

Sur l'ardoise au mur, une sélection de plats du jour permet de compléter le repas pour les gros mangeurs ou les curieux, dont nous étions: huîtres spéciales passées au four, cassolette de palourdes et champignons japonais au beurre, d'un parfum onctueux, apportée dans un réchaud traditionnel en poterie, et, évidemment, l'anguille sur lit de riz blanc, en réussite absolue: des morceaux délicatement sucrés parfaitement grillés, faisant alterner la fine résistance de la peau avec la texture aérienne et fondante de la chair.

Un grand bravo à Una Sei donc: nous y retournerons avec empressement un soir, nous percher sur les tabourets de la salle en sous-sol, découvrir leur carte de sakés en profitant de quelques petits plats mijotés, pour oublier un temps l'humidité glacée et la boue neigeuse parisienne.

Addition: bento midi à 20€, sinon environ 50€ par personne

Una Sei
45, rue de Richelieu
Paris 1er
01 42 96 26 60

dimanche 28 novembre 2010

La vérité sur les crêperies: entretien avec Penn Kalet

Difficile de parler de Penn Kalet sans me montrer grossièrement partial - je vous conseille juste d'aller y faire un tour si vous êtes à Nantes, à côté du cour des cinquante otages, vous ne devriez pas être déçu. Puisque ma nécessaire objectivité m'interdit de m'exprimer, laissons Penn Kalet tout nous expliquer sur la pâte...

Parlons de pâte - quelle est "la" bonne recette pour les puristes?

Chaque village a la sienne et chaque village est persuadé que la sienne est la meilleure au monde.

Ainsi de savoir s'il faut mettre du lait, des oeufs ou même du froment dans la pâte à crêpe de blé noir. Dans un village du Finistère, on mettra tout ça. A 5 kilomètres de là, on te dira que c'est une hérésie, que le blé noir c'est "blé noir, eau et sel" et rien d'autre. Les puristes du premier village diront que c'est n'importe quoi. Ainsi d'une Mamm gozh (grand-mère) de mon bled : "je suis allé dans une crêperie, tu te rends compte, ils ne mettaient même pas de lait dans leur blé noir!". Entendu en 2006.

Mais il y a une raison toute bête à cela : la crêpe c'est un aliment fruste. On mettait dans la pâte ce qu'on avait, on en faisait en quantité quand on avait le temps, on les stockait pour pouvoir en manger dès que possible et on en donnait aux vagabonds très nombreux. Et donc : dans un village plus riche, les gens n'hésitaient pas à incorporer lait, beurre et froment aux crêpes de blé noir. Dans les villages plus pauvres, on mettait le minimum. C'est l'explication. Le croustillant en est une conséquence : les crêpes de blé noir les plus simples croustilleront mieux parce que la cuisson se fait vite.

Donc tout se vaut, je peux indifféremment parler de galettes ou de crêpes et m'empiffrer?

Non, il y a une vraie ligne de fracture, quasi géopolitique : les fines et les épaisses. Tu remarqueras que je n'ai parlé que de "crêpes de blé noir" et pas de... "galettes". C'est que je viens du Finistère et que là-bas, les galettes sont des choses très épaisses qui n'ont rien à voir avec des crêpes.

Pour comprendre il faut tracer une ligne de Vannes à St Brieuc. A l'Ouest, la Basse-Bretagne (on y parlait breton): on ne parle pas de galette mais de crêpes de sarrasin ou de blé noir, elles doivent être fines absolument. Elles seront moelleuses ou croustillantes selon les habitudes locales, mais fines toujours.

A l'est, la Haute-Bretagne (on y parlait galo) où on dit "galette" et où les crêpes sont forcément au froment et sucrées. Les galettes sont épaisses, c'était la tradition. Pourquoi? En fait, il n'y a qu'en Basse-bretagne qu'on les faisait sur la Billig (plaque de fonte)qui permet la finesse, en Haute-Bretagne, on les faisait sur des poêles posées sur des trépieds. On utilisait un rozell (rateau qui sert à étaler) rond, alors qu'en Basse-Bretagne il était fin.

Que fait un crêpier de qualité?

A mon avis, un crêpier de qualité doit déjà savoir ce qu'il fait : des "crêpes de blé noir" ou des "galettes" et choisir ce qui lui plaît le mieux au lieu de répéter que la seule recette qu'il a apprise est la meilleure du monde (toutes les crêperies, surtout en Bretagne, sont persuadées d'avoir LA recette).

Ensuite, comme il pratique une cuisine simple, il doit veiller au choix de ses ingrédients. La farine est primordiale, il y a des différences énormes de qualité de blé noir. Le tour de main, tous les crêpiers l'ont. En fait, ce n'est que ça, c'est pourquoi c'est étonnant de voir autant de crêperie très moyennes.

Quels sont les signes qui peuvent faire soupçonner de la crêpe ou galette réchauffée?

Une texture cartonnée de la crêpe de blé noir. Pour réchauffer, il faut cuire des deux côtés (sinon elles adhèrent entre elles) puis recuire pour garnir... C'est donc très cuit. Ce qui a un effet désastreux sur les "crêpes de sarrasin" (cet aspect cartonné, lisse) mais qui est moins grave pour les "galettes" qui, elles, se réchauffent très bien: d'ailleurs sur les marchés de Rennes ou Nantes, les vendeuses en font des piles entières toutes prêtes qu'elles réchauffent ensuite. De quoi déclencher une émeute à Quimper.

Pour les crêpes sucrées, ce sera plus difficile à voir si c'est bien fait (dans ce cas, ce n'est pas forcément un mal), sinon la crêpe sera carrément brûlée ou très cassante.

Quels sont les petits trucs pour repérer un crêpier qui marge au maximum?

Le truc le plus basique mais qui est courant c'est de réduire la garniture: une complète à 8€ avec une demi tranche de jambon (ou d'épaule), très peu d'emmental et un oeuf (le moins cher des ingrédients). Comme il utilisera tout ce qui est moins cher, le résultat ne sera pas là. Ou encore, une banane balancée froide coupée en deux sur une crêpe crâmée (= réchauffée);avec du chocolat dessus parce qu'il faut débiter.

On peut aussi jouer sur les quantités : tout noyer dans la crème... Ainsi on prétend avoir un fromage "fermier", ce qui est vrai, mais on en fait juste fondre quelques grammes dans de la crème. En règle générale, il faut se méfier de l'utilisation constante de la crème dans les crêperie...

Mais, en fait, ce sont des "escroqueries" que l'on peut trouver dans tout restaurant (comme, ce qui se fait aussi en crêperie, annoncer du Reblochon alors qu'on utilise du "Fromage à Tartiflette"... différence de coefficient de prix de 4). Les mauvaises crêperies jouent sur le fait que les clients n'ont pas vraiment d'exigences quand il s'agit de crêpes, sauf en Bretagne peut-être.

Donc café Breizh: une voie à suivre ou une imposture?

Ils font clairement de la galette. Ils ont de bons ingrédients visiblement mais ce n'est pas ma préférence. Ce n'est pas une imposture ou alors tous les concepts en sont. En tout cas, ils communiquent très bien. Je n'ai pas trop aimé (des crêpes dessert trop sèches) mais cela vient aussi, sans doute, de mes origines de Bas-breton...

Addition: moins de 20 euros par personne

Penn Kalet
2, rue Armand Brossard
Nantes
02 40 35 39 36

samedi 20 novembre 2010

Souvenirs de Shanghai 2: des goûts et des couleurs

J'adore ces petites entrées, ici du tofu braisé dans de la sauce soja épaisse...

... ou du poulet froid mariné au vin de riz

un peu de salade dans une sauce sésame crémeuse

puis vient le canard servi avec des petites brioches...

on met la viande dans ces brioches blanches, puis on déguste

c'était la saison des oeufs de crabe poilu, présentés dans un petit pain de sésame

c'est bête comme c'est bon: des liserons d'eau passés au wok, juste croquants

le rouge du Sichuan: un poisson mandarin émerge

l'odeur puissante du tofu puant est reconnaissable à des centaines de mètres

le tofu puant, c'est comme l'époisse : c'est étonnamment doux au palais

jeudi 11 novembre 2010

Souvenirs de Shanghai 1: l'obsession Din Tai Fung

Bien sûr cela tourne à l'obsession, mais qui d'autre que Din Tai Fung offre ce petit trait brûlant de bonheur aromatique à chaque bouchée? Après Taipei, après Tokyo, nous nous sommes donc rués dans le Din Tai Fung de Xintiandi à Shanghai. Même dans la patrie des xiao long baos, que l'on trouve pour quelques "kuais" au coin de chaque rue, l'établissement connaît un immense succès. La suite en images.


tout commence par de fines lamelles de gingembre dans du vinaigre noir...
puis viennent les xiao long baos, classiques au porc ou au crabe...
il faut tremper le xiaolongbao dans du vinaigre, poser quelques lamelles de gingembre et percer un petit trou dans l'enveloppe du ravioli pour que le jus brûlant s'échappe... 
c'est fait! le ravioli est déjà dans ma bouche, reste le magnifique liquide doré et parfumé à avaler 

dimanche 7 novembre 2010

La Régalade Saint Honoré: des gènes heureux

Bonne nouvelle pour tous les gourmands du nord de Paris: la Régalade, l'illustre bistrot perdu au fin fond du XIVème entre la porte d'Orléans et la porte de Châtillon, a désormais une annexe bien plus accessible, sise au sud du jardin des Halles, dans une portion de la rue Saint Honoré encore épargnée par les boutiques de luxe.

Les grincheux pourront toujours regretter le décor boisé bistrotier de l'établissement original lorsqu'ils entreront dans la salle moderne aux tons blancs et beiges un peu impersonnels, mais toute prévention devrait être levée à la lecture du menu: un solide fond de cuisine traditionnelle familiale, parfaitement exécuté, joliment dynamisé par la vivacité des herbes fraîches, des grains de sel qui craquent, et le recours à de beaux produits.

C'est certainement ce qui fait la marque de fabrique de cette maison: à la Régalade Saint Honoré, on ne se contente pas de servir de bonnes assiettes, mais on est généreux, on ne mégote pas, recevant le client comme on accueille de vieux amis pour ces gueuletons où l'on mange toujours un peu trop, et où une dernière bonne bouteille est toujours débouchée sur la fin, même si elle ne sera pas vidée.

Ainsi, en guise de mise en bouche, une superbe terrine maison, aux chairs goûteuses et humides, circule entre les tables avec du pain craquant et un grand pot de cornichons. Ainsi les Saint Jacques marinées aux herbes et juste rôties arrivent dodues par quatre quand tant d'autres établissements se contenteraient d'en placer deux, ainsi le filet de rascasse sur risotto à l'encre de seiche est une superbe pièce débordant littéralement de l'assiette, et le riz au lait en dessert ne peut être achevé sans l'aide d'un autre convive.

Il était finalement normal, quand on est si généreux, d'ouvrir une nouvelle adresse pour accueillir plus de convives. La Régalade Saint-Honoré ne trahit point son grand frère, et montre que, loin des logiques élitistes qui voudraient raréfier le contenu des assiettes pour en accentuer le brillant, la multiplication des pains est loin de nuire à la qualité.

Addition: 50 euros par personne (menu entrée-plat-dessert à 32 euros)

La Régalade Saint Honoré
123, rue Saint Honoré
Paris 1er
01 42 21 92 40

jeudi 21 octobre 2010

La Véranda: le Gordon Ramsay Jeans

A l’occasion d’un week-end nous sommes allés humer l’air de Versailles, de ses cours arborés rectilignes, spacieux, ses immeubles du XVIIIème si élégants, droits et austères, d’une ville qui, bien que la carte nous enseigne qu’elle est aux portes de Paris, pourrait tout aussi bien avoir été téléportée à des centaines de kilomètres, dans un ailleurs, une France rêvée d’un autre temps, où entre parents en barbour, triplés blondinets en cyrillus, la décence et les bonnes mœurs règneraient encore.

Nous avons dîné à la Véranda, bistrot signé par Gordon Ramsay, installé juste à côté de son illustre et étoilé éponyme, dans les magnifiques galleries du Trianon palace. La salle en impose, plafonds sculptés culminant cinq ou six mètres au dessus de nos têtes, dans une salle aux grandes baies vitrées ouvertes sur le parc du château de Versailles, où paissent bucoliquement des dizaines de moutons. La décoration est récente et dans le ton qu’il faut, superposant le velours gris perle des sofas, la vaiselle blanche contemporaine, aux ors et moulures des murs, pour un effet très déco-magazine. Le contenu des assiettes est fort agréable: tartare de dorade sur crème légère de guacamole avec mousse de wasabi, poîtrine grillée de cochon fondante aux bords croustillantes, carré d’agneau parfaitement rôti et ses aubergines. Le tout sent la bonne technique et l’impeccable professionnalisme.

Que reprocher à La Véranda ? D’avoir peut-être un peu trop l’esprit aux affaires. Lorsque des grands couturiers descendent en gamme et siglent du jean ou de la basket, on peut rarement leur reprocher de mal habiller leurs clients. Mais tout cela sent trop le plan marketing froidement conçu et parfaitement déployé. La Véranda témoigne de la même maîtrise, étalant la plus fine couche de tartare possible sur un épais tapis de guacamole, ou découpant au plus juste la tranche de poitrine de cochon. Donc bravo aux hommes d’affaires, vive les business plan, mais en clap de fin, on se prend parfois à rêver qu’un peu plus de générosité et de passion viennent troubler la perfection des ors dans ces palais.

Addition : 80 à 100 euros par personne

La Véranda
1, boulevard de la Reine
Versailles
01 30 84 55 55