mardi 26 janvier 2010

Kifune: Du grand bistrot japonais

Samedi dernier était un grand soir, celui d'un retour au restaurant à deux, une fois le contenu d'une nacelle rouge laissé à la garde attentive de la belle-mère, et un léger sentiment d'irréalité et de culpabilité surmonté tandis que notre taxi filait, "comme avant", le long des grands boulevards. Pour cette occasion nous avions voulu tester un nouveau restaurant Japonais, très bien noté dans le petit guide "Itadakimasu" qui sert de fil rouge à nos explorations culinaires nippono-parisiennes.

Kifune est un petit restaurant situé dans une rue calme, à deux pas de la porte Maillot. La porte franchie ouvre sur une petite salle: un comptoir en occupe la partie droite, exhibant de belles pièces marines derrière ses vitres réfrigérées et d'impressionnants magnums de saké au mur, où le chef sushi officie devant ceux qui ont choisi de dîner tranquilles, perchés sur les tabourets. A gauche, la partie restaurant accueille une vingtaine de couverts. Une petite alcôve au fond permet à une famille de manger tranquillement autour d'une table ronde. La décoration toute simple, l'empressement des serveuses et les paroles de bienvenue nous accueillant dès que l'on passe le seuil, nous rassurent immédiatement: nous sommes bien entrés dans une petite zone extra-territoriale, un morceau de Japon télé-transporté à Paris, pas le Japon formaliste des ryokans de Kyoto, mais celui, simple et intime, des bistrots de quartier, ces "izakaya" où l'on vient discuter au comptoir autant que boire un coup ou manger un morceau. De fait, à 19h30, heure peu parisienne pour dîner, les clients sont presque tous japonais, et sont visiblement des habitués, prenant le temps d'échanger des nouvelles avant de s'installer.

Un coup d'oeil sur la carte confirme cette impression: Kifune propose une grande variété de plats comme souvent dans les "izakayas": sushis et sashimis bien sûr, mais aussi entrées vinaigrées et salades, flancs d'oeuf, soupes, viandes et poissons grillés, fritures, plats braisés... Nous profitons ainsi d'un magnifique assortiment de sashimi avec de superbes morceaux de thon gras, de seiche crue aux oursins, d'une salade d'épinards vive et fraîche, d'un petit flanc d'oeuf, d'une superbe rascasse grillée au sel et ses graines de gingko, et de morceaux de poulet frit.

De retour dans la rue, un petit sentiment de bonheur flotte: ce Kifune offre une cuisine d'une superbe qualité tout en restant très loin du Japon grand luxe, au minimalisme chic et opulent, bien au contraire il se pose sans prétention au ras du bitume, au plus près de la vie de quartier, et par la magie d'un repas, nous donne envie de prendre le prochain avion pour s'asseoir là bas, sur un tabouret, et regarder les gens passer en grignotant des edamame, une bière fraîche dans la main.

Addition: 50€ à 60€ par personne

Kifune
44, rue Saint Ferdinand
Paris 17ème
01 45 72 11 19

lundi 11 janvier 2010

Le Coquillage: Le bonheur dans les épices

Au bout du voyage, du flot pâteux de véhicules franciliens s'engorgeant le long des parallèles de l'A6 puis de l'A11, de l'engourdissement des kilomètres autoroutiers, de chaleur dans l'habitacle quand les vitres sont si froides, de nationales bretonnes sous la pluie neigeuse une fois la rocade de Rennes contournée, il y a une sortie, une petite départementale où l'on descend brièvement les vitres pour respirer l'air glacé, quelques villages vite traversés, et enfin, la mer.

Nous sommes arrivés au château Richeux, manoir élancé du début du siècle, posé au milieu des arbres, sur un surplomb dominant la ligne des flots. D'emblée, un petit détail est allé droit au coeur: à droite de la bâtisse principale, une petite maison en bois est en fait un four à pain...

Le bistrot Le Coquillage est totalement intégré à la demeure. La réception est au pied du magistral escalier. Du bois sombre, quelques maquettes de bateaux, de grandes portes, une armoire vitrée où sont rangés des flacons d'huiles parfumées et d'épices. Les salles à manger, dans un contraste agréable, sont d'un blanc immaculé, mettant en valeur les fenêtres donnant sur la mer, qu'on devine proche, dehors, dans l'obscurité.

D'emblée la gentillesse de l'accueil mettent à l'aise: on se sent libre de piocher dans une carte marine qui donne le tournis: saint jacques crues au vinaigre celtique, araignée décortiquée à la "poudre des alizées", barbue aux cumbavas ou solettes aux citrons confits. Le Coquillage est un appel au voyage, et de nombreux ingrédients cachés saupoudrent ses assiettes. Si cuisiner aux épices peut être un joli argument marketing, réussir à équilibrer les saveurs comme le fait ce bistrot, il est vrai mené par Roellinger, est rare. Ici, pas d'expérimentation abrupte, d'alliances forcées, de provocations, pas non plus d'usage éclatant et intensif comme dans de nombreuses cuisines asiatiques. On sent que cette maison a sa tradition propre pour incorporer les épices et exprimer leurs arômes, une subtile maîtrise permettant d'arriver au juste équilibre, celui qu'on croît naturel, comme si intégrer de la citronnelle et des cumbavas dans une légère mousse crémeuse allait de soi.

C'est finalement simple: tout est rond et parfait. Les plats certes, mais aussi l'ambiance distinguée et tranquille, le service accueillant, le pain odorant tout en croûte craquante et mie profondément ferme, les vins avec de sages propositions de Vouvray ou Savennières autour de 35-40 euros, la générosité des parfums mais aussi l'abondance dans les plats, les grandes tables roulantes de fromages bretons et normands et de desserts proposées à la fin.

En partant le lendemain, nous pouvions contempler avec regret les salles aux baies vitrées inondées de lumière où l'on lissait les nappes et préparait les tables pour le service de midi. Il était déjà temps de tourner le dos à cette maison malouine, qui le temps d'un bref séjour nous a parlé voyages autant que bonne chère, et de rentrer à Paris.

Addition: 80€ à 100€ par personne (menu à 51€)

Le Coquillage - Les maisons de Bricourt
D155, route du mont Saint-Michel
Saint Méloir des Ondes
02 99 89 64 76